CHARLES II de NAVARRE, dit CHARLES le MAUVAIS (1332-1387)

Roi de Navarre, comte d'Evreux, prétendant au trône de France

L'homme qui fit vaciller la couronne de France

 


>> Jeanne II et Philippe III

>> Charles II de Navarre >>

Son règne  

Sa famille  

Ses possessions  

Légendes et réalités  

Le livre


Charles d'Evreux-Navarre, dit Charles le Mauvais : des origines "aux fleurs de lys de tous les côtés"

Charles d'Evreux-Navarre, né à Evreux en 1332 et mort à Pampelune le premier janvier 1387, est passé à l'Histoire comme Charles II « le Mauvais ». Roi de Navarre et comte d’Evreux, il occupe une position à part dans l’arbre généalogique des Capétiens. 

Il était ni plus ni moins que le fils aîné de Jeanne de France, seule enfant vivante et héritière théorique du roi de France Louis X le Hutin. En effet, lorsque celui-ci décéda en 1316, il ne laissa que Jeanne, âgée de cinq ans, et un fils, Jean Ier le Posthume, mort quelques jours après sa naissance. En principe héritière du royaume, Jeanne était trop jeune pour défendre ses droits à la couronne, qui lui échappa faute de soutien. Ce fut la première interruption dynastique en France depuis Hugues Capet, tous les rois précédents ayant eu à leur décès un fils pour leur succéder. La couronne de France fut alors accaparée par des collatéraux, les Rois Maudits en 1316, puis les Valois en 1328. 

Charles II de Navarre dit "le Mauvais"
(Portrait moderne par Louis-Joseph Yperman, 1903, Collégiale de Mantes)

Contrairement à une idée aujourd'hui répandue, ce ne fut pas l'application de la loi Salique qui empêcha Jeanne d'hériter du royaume, mais plutôt la volonté de son oncle Philippe, comte de Poitiers. La loi Salique était alors ignorée de tous et ne serait redécouverte qu’en 1358 à l'instigation de Charles V ou de son entourage, précisément afin de contrer les aspirations de Charles II à la couronne de France. 

Finalement, Jeanne parvint seulement à être reine de Navarre en 1328. Les rois de France cherchèrent à la dépouiller des dernières terres qui lui revenaient, Brie, Champagne et Comté d'Angoulême.

« Descendant des fleurs de lys de tous côtés » comme il aimait à le rappeler, arrière-petit-fils en ligne masculine du roi Philippe III le Hardi et petit-fils de Louis X le Hutin par sa mère, Charles le Mauvais devint comte d'Evreux à la mort de son père en 1343 et roi de Navarre à l’âge de 17 ans, à la mort de sa mère en octobre 1349. En février 1352, il épousa Jeanne de France, fille du roi Jean II « le Bon ». Sa vie et son règne se déroulèrent en plusieurs actes, alternativement en France et en Navarre, où il finit ses jours.

Les armes d'Evreux-Navarre

Prétendant au trône de France : en conflit avec les Valois, il sera à deux doigts d'être roi de France

Une fois devenu roi de Navarre, il chercha à recouvrer les terres perdues en France et entra pour cela en conflit avec les rois de France Jean II le Bon puis Charles V le Sage. Ceux-ci, de promesse non tenue en tromperie et tentative d'assassinat, s'employèrent à leur tour à le déposséder des biens qui lui restaient. Après avoir tenté de l’assassiner, Jean II le captura lors d’un dîner à Rouen en avril 1356, puis l’emprisonna pendant 18 mois.

Philippe de Navarre, frère de Charles II, déclara alors la guerre au roi de France et s'allia au roi d'Angleterre Edouard III, qui intervint alors en France. Deux chevauchées se déroulèrent alors, celle du prince de Galles conduisant à la bataille de Poitiers, où le roi de France Jean II fut fait prisonnier par les Anglais.

Aux dires de ses contemporains, Charles le Mauvais était doué d’une intelligence, d’une affabilité et d’un charisme hors du commun, qui lui attiraient les faveurs des grands comme du peuple. Une fois évadé de sa prison en novembre 1357, il revint rapidement sur la scène politique à la faveur des troubles qui secouaient la France, notamment sous l’impulsion d’Etienne Marcel. 

A l'été 1358, il fut à deux doigts de s'emparer de la couronne de France, qui vacilla pendant plusieurs semaines. Le roi Jean II était alors prisonnier des Anglais et le Dauphin, le futur Charles V, restait impuissant devant les émeutes parisiennes et la Jacquerie paysanne. Charles le Mauvais était alors le seul homme fort en France, mais il ne put obtenir suffisamment de soutiens pour parvenir à ses fins.

Les guerres en Espagne : le lieu de toutes les audaces

Une fois la France apaisée suite au traité de Brétigny avec les Anglais (1360), Charles le Mauvais s’installa en Navarre. Rapidement, cherchant un soutien pour ses affaires françaises, il conclut un traité d’alliance avec le roi de Castille Pierre Ier, dit le Cruel. Ce fut un mauvais calcul, qui l’entraîna à son corps défendant dans l’imbroglio des conflits ibériques

Mais en Espagne, il allait donner toute la mesure de son machiavélisme dans des montages politiques complexes et improbables. Allié au roi Pierre Ier de Castille qui l’entraîna dans une guerre contre Pierre IV d’Aragon (1362), il traita très vite avec celui-ci et avec le demi-frère et ennemi du roi Pierre Ier de Castille, Henri de Trastamare. Adepte convaincu du double ou du triple jeu, des alliances complexes et des simulacres en tous genres, il s’allia simultanément avec presque tous les partis et leurs rivaux, afin d’en tirer le meilleur bénéfice possible. 

Il déclara ainsi une fausse guerre à l’Aragon pour rassurer son allié castillan et, pour plus de vraisemblance, organisa le simulacre de la capture de son frère Louis de Navarre par les Aragonais. En 1367, lorsque les Anglais intervinrent, il feignit lui-même d’être capturé par le cousin de Du Guesclin pour se soustraire à leur mécontentement, suite à la découverte d’une nouvelle duplicité.

Spolié du duché de Bourgogne puis de la Normandie

Pendant ce temps, les rois de France ne manquèrent pas de ressource pour s’approprier ses biens. Jean II s’empara de la Bourgogne, dont Charles le Mauvais devait hériter (1361), puis Charles V entama une reconquête rampante de ses possessions normandes à partir de 1365. 

En 1378, Charles V eut recours à une alliance avec Henri II de Castille pour vaincre Charles le Mauvais par les armes. Mais le roi Henri II de Castille, qui venait de le trahir, ne devait pas profiter longtemps de sa victoire : quelques jours après avoir rencontré Charles le Mauvais pour signer le traité de paix, il fut emporté par un mal soudain et mystérieux, sans doute victime d’un empoisonnement de la part des Navarrais.

Un roi machiavélique et hors du commun, qui mériterait d'être mieux connu

Mésestimé mais mal connu, Charles le Mauvais est l'un des personnages clés du début de la guerre de Cent Ans. Au cœur des querelles de succession dynastique comme Edouard III d’Angleterre, il en devint l’allié mais le floua lui aussi à plusieurs reprises. Pendant trois décennies, il fut de presque tous les conflits du début de la guerre de Cent Ans, en France, en Castille et en Aragon, au Portugal et même en Albanie. 

Son règne de 36 ans et sa vie riche en rebondissements auront été parmi les plus intenses et fascinants de son temps. Aujourd’hui encore, ses manigances et ses montages politiques et militaires en tous genres méritent d’être étudiés et pourraient compléter les descriptions de Machiavel qui, s’il l’avait connu, en aurait peut-être fait un personnage phare de son œuvre.

Pourquoi le surnom de Charles le Mauvais ?

Ce surnom n'apparut qu'en 1534 dans une chronique des rois de Navarre écrite par le chroniqueur Diego Ramirez de Avalos de la Piscina. Il fut ensuite repris par de nombreux historiens.

Il semble bien que la réalité ait été toute autre. Au travers des archives, Charles II apparaît comme un roi soucieux de la protection de ses biens, Normandie et Navarre, face aux incursions étrangères, et comme un administrateur attentif. Tout le contraire de son fils et successeur, Charles III de Navarre, qui vécut une vie de plaisirs, souvent en France, et délaissa largement son royaume et ses sujets. Le surnom du "Mauvais" fait partie des nombreuses légendes et idées reçues auréolant la vie de Charles II de Navarre.

 


La biographie de Charles II de Navarre est disponible à la vente (2015, 530 pages, 21x15 cm, nombreux arbres généalogiques, portraits, schémas explicatifs, cartes géographiques et illustrations), 32 € TTC.


 

Copyright Bruno Ramirez de Palacios 2014-2023